L’Organisation des Nations-Unies (ONU) reconnaît officiellement aujourd’hui 197 états dans le monde. Toutefois, compte tenu des évolutions économiques actuelles, on peut pertinemment s’interroger sur la création d’autres états sans que ceux-ci ne revendiquent nécessairement des frontières territoriales.
Les chiffres donnent le vertige
Amazon (1994) affiche un chiffre d’affaires de 136 Mds US $ en 2016. Alibaba (1999) a généré un volume d’affaires de plus de 380 Mds US $ au 31 mars 2016, surpassant ainsi Walmart, n°1 mondial du retail. Au-delà des rumeurs d’introduction en bourse, Jumia (2012) serait valorisée 1 000 Mds US $ en 2016, alors qu’elle n’en est qu’au stade de l’enfance, et Konga s’annonce déjà comme sa sœur jumelle.
Parallèlement, les GAFAM, ainsi que les géants du stockage et du transport de données, se sont implantés habilement sur les points névralgiques du réseau numérique mondial. OVH se positionne en 3ème acteur mondial du Cloud et Sigfox n°1 des communications basse fréquence, essentielles pour les objets connectés. Tous ces acteurs disposent de capacités technologiques gigantesques et surpassent les opérateurs étatiques historiques.
Neuf nouveaux états ?
Au-delà de la reconnaissance par l’ONU et du monopole de la violence légitime, il serait intéressant d’actualiser la définition d’un Etat : l’existence de frontières, l’état de droit, le consentement à l’impôt, le sentiment d’appartenance au travers de la citoyenneté et le développement d’infrastructures.
Si on calque ces éléments sur les 9 acteurs cités en titre, l’interrogation devient flagrante. Les systèmes d’abonnement rendent les clients captifs (impôt ?), la marque développe le sentiment de communauté (citoyenneté ?), les infrastructures physiques et logiques sont internationales et modernes, les règles contractuelles s’appliquent sans discussion et avec une complexité opportune (état de droit ?).
Plusieurs questions restent sans réponse à date : quelle sera la nationalité de la donnée, de la fiscalité et des objets dans le cadre du projet de plateformes logistiques aérostatiques imaginées par Amazon ? Quelle sera la première armée à confier sa logistique à Alibaba ? Que faire si l’un de ces acteurs acquiert une plateforme pétrolière en zone internationale ? Comment se déclare une « guerre logique » ?
Vers un nouveau Yalta ?
Si l’on observe le terrain de jeu des acteurs logisticiens, Amazon s’offre le monde occidental, Alibaba l’Asie et Jumia l’Afrique. L’exercice pourrait être reproduit pour les acteurs du data. Et si le monde s’orientait vers un nouveau Yalta de l’espace numérique où les chaînes logistiques et logiques, points névralgiques, seraient aux mains de quelques opérateurs ? Cette conclusion serait toutefois rapide à en croire les ambitions dévoilées par Alibaba qui vise plus de 2 milliards de clients dans le futur…
Si la réflexion peut paraître simpliste au premier coup d’œil, voire caricaturale, il convient de ne pas la balayer d’un revers de main sans s’être posé au moins une fois la question : ces acteurs possèdent la particularité de disposer des infrastructures névralgiques logistiques et logiques mondiales.
Imaginons demain le Conseil de Sécurité de l’ONU où siégeraient les CEO de ces entreprises : Alibaba, Amazon, Facebook, Google, IBM-Watson, Jumia, Microsoft, OVH et Sigfox…
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